Bolivie : Nos routes boliviennes

Le van cherche à s’extraire vite du fond de la cuvette en épargnant ni la mécanique, ni les passagers. Malgré l’heure matinale, la cité connait les premiers soubresauts d’activité de la journée. Sur les hauteurs, les travailleurs du plateau d’El Alto s’engouffrent dans les colectivos et ce sont des centaines de minibus surchargés que nous croisons en sens inverse descendant au fond du chaudron de briques qu’est La Paz.

Au coeur des embouteillages, les Cholitas déambulent entre les véhicules, criant ce qu’elles ont à vendre, tendant à bout de bras des eaux sucrées multicolores dans des poches en plastique, des fruits en pagaille, des portions de repas indéfinis. Sur le bord de la route, dans les stands aux bâches bleues, des poulets déplumés, des pulls de laine, des sacs de pommes de terre, de feuilles de coca attendent preneurs. Partout, des cantines informelles servent des assiettes de soupe généreuses, cuites dans des gamelles noircies et déformées par le temps.

Lorsqu’enfin la circulation retrouve un peu de fluidité, notre van bifurque et quitte la route asphaltée. La piste la remplace pour l’heure à venir. Nos corps, comme démantibulés, gesticulent dans tous les sens, laissés à la merci des nids de poule, des dévers, des millions de pierres se jetant sous nos roues.

Autour, ce ne sont qu’étendues démesurées de prairies, pâturages sans barbelés où s’éparpillent les lamas, parsemées de temps à autres de masures paysannes en briques de terre. Au loin, les Andes nous servent de point de repères et d’objectif. Deux heures passées depuis notre départ de La Paz et notre chauffeur nous laissent à l’entrée d’une vallée. Un village ignoré du reste du monde, perdu au milieu de nulle part, tient lieu de point de départ pour notre ascension. Les pieds remplacent les roues. Nous consacrons les heures qui suivent à remonter la vallée. La piste se transforme en sentier. Le sentier disparaît pour laisser place à une pampa d’herbes drues, de ruisseaux dévalant les pentes, de tourbières spongieuses où nos pas s’enfoncent lourdement. Nous ne croisons plus que des lamas, des moutons et quelques ânes paissant, divaguant sur les pentes. Parfois un berger nous observe longuement avant de nous faire signe de la main. Le corps s’est habitué à l’altitude. Le souffle et l’ascension sont réguliers. Les lacs de montagnes s’enchaînent. Les cimes enneigées nous encerclent et nous surveillons les immenses masses de brouillard menaçant de nous engloutir tôt ou tard.Un dernier lac au pied du massif marque la fin de l’ascension pour nous. Ensuite, c’est affaire d’alpinistes.

Nous déjeunons d’un avocat, d’un morceau de fromage et d’un bout de pain, abrités derrière un rocher. Nous sommes à 4700 mètres d’altitudes, le vent est cinglant. Il laisse nos visages écarlates et nos mains douloureuses. Il neige.

Dernier regard sur le lac, sur le Mont Condoriri. Reste le chemin inverse à parcourir avant la nuit pour rejoindre La Paz.

A ce moment précis, tous les deux, minuscules piétons perdus dans l’immensité bolivienne des Andes, n’avons plus besoin de rien.


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