Iran : Le nom de Téhéran

Dans le chaos et l’effervescence des capitales mondiales, il est parfois déroutant pour un étranger d’y trouver rapidement sa place. Et Téhéran avec ses 9 millions d’habitants n’aurait pas dû déroger à la règle. Nous ne savions pas alors pouvoir compter sur quelques aides précieuses. Comme toutes les grandes cités, Téhéran est une ville où l’automobile a pris le pouvoir. La pollution, le bruit permanent et l’engorgement récurrent des grandes artères en est la résultante. Il faut apprendre rapidement les codes tacites de la circulation piétonne. Ainsi pour traverser un boulevard de cinq ou six voies, le seul moyen d’y arriver est de s’engager franchement en marchant doucement au milieu des véhicules et du bruit assourdissant des klaxons. On doit prendre l’habitude de se retrouver au milieu de la voie avec des voitures qui nous frôlent de part et d’autres, ne s’arrêtant jamais. Des motos viennent aussi pimenter la traversée en déboulant sans prévenir à contresens. Et même arrivés sur le trottoir, pensant être en sécurité, les deux roues s’obstinent à vous harceler en utilisant ce territoire qui ne leur est en principe pas réservé. Nous trouvons l’apaisement lorsque nous quittons les grands axes de circulations et il semble alors que même la pollution sonore ne passe la porte de ces quartiers. Les voitures sont à l’arrêt, les piétons s’autorisent à déambuler sans précaution sur la chaussée et de jeunes oliviers viennent ombrager les trottoirs.

Téhéran, c’est la ville où l’histoire récente et l’actualité se croisent sur les murs. On passe devant l’inévitable ancienne ambassade américaine où en 1979, des étudiants prirent en otages le bâtiment et ses occupants devant les yeux médusés du monde occidental. Dans ces rues, on brûle les drapeaux américains, on villipende l’occident. l’Iran avait changé de visage et le nom de Téhéran semerait désormais dans les têtes, l’inquiétude et de sombres images.

Mais Téhéran, c’est aussi un Téhéranais dans le métro qui discute une heure durant de tout et n’importe quoi et nous quitte en disant qu’au moindre souci, nous devons appeler autour de nous et qu’il y aura toujours quelqu’un pour aider. Téhéran, c’est une Téhéranaise qui demande en français ce que nous aimons en Iran, qui parle de son métier de professeur de français à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Téhéran et repart en nous souhaitant un grand et bon voyage. Téhéran, c’est cet iranien rencontré devant une porte close d’un musée et qui nous emmène visiter en sa compagnie une autre exposition ailleurs dans la ville. Téhéran, c’est un taxi man de mère normande qui nous hèle en pleine rue en entendant parler français. Conversation joyeuse au milieu des voitures et des innombrables taxis jaunes. Téhéran, c’est cette jeune femme qui nous extirpe du brouhaha épuisant d’une gare routière en nous accompagnant acheter des billets de bus. Puis de repartir aussi furtivement qu’elle était apparue, le temps d’un sourire et d’une main tendue. Téhéran, c’est ce nombre sidérant de femmes et d’hommes qui engagent des discussions tout au long de la journée et qui demandent toujours si nous avons besoin d’aide. Téhéran, ce sont des Téhéranaises et des Téhéranais qui nous ont guidés au quatre coins de la ville avec une bienveillance touchante pour faire de Téhéran, la ville maudite, une cité où il fait bon déambuler. Et si durant tout notre séjour, nous n’avons pas croisé d’occidentaux, nous pouvons affirmer que nous n’avons jamais été seul. Le jour où un voyageur étranger partira à la découverte de Téhéran et avouera le soir n’avoir fait aucune rencontre, ce voyageur là n’est pas encore né ou alors est un fieffé menteur.


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