
Non loin de Kashan, il y a une source alimentée par les montagnes voisines. Le Shah Abbas 1er y fit construire une enceinte en terre afin de la protéger des regards et des agressions du désert. Ensuite il fit creuser des canaux dans une symétrie parfaite et demanda à ses architectes que la pente soit invisible à l’oeil mais que l’on puisse entendre le bruit vivifiant d’une rivière s’écoulant de la montagne, et que l’eau soit aussi plane qu’un lac par un matin calme d’été. Les pentes des longs rubans de canaux furent si savamment calculées et taillées que le miracle opéra.



L’eau, coulant sur la mosaïque turquoise, chantait comme une rivière de printemps. C’était un enchantement. Afin de protéger l’eau précieuse, il y fit planter des cyprès tout le long des canaux et le lieu se para d’une ombre rare au milieu du désert. Enfin, et pour parfaire l’ensemble, on fit construire des pavillons d’agrément ornés de fresques et de carreaux de verres colorés que la lumière irradiait. Les Persans concevaient les jardins en imaginant un lieu propice au repos et à la spiritualité. Ils nommaient ces lieux » Pairi-daeza « , littéralement » espace clos « . Ce terme fût transmis un peu plus tard dans la culture judéo-chrétienne sous le nom de Paradis.

Ce matin, en laissant divaguer nos songes jusqu’aux cimes des cyprès vieux de quatre cent ans, derrière les hautes murailles, à l’abri des attaques du désert et portés par le chant de l’eau, nous pensions que si jamais le ciel était vide, nous aurions au moins eu le loisir de connaître le Paradis sur terre… Une heure plus tard, nous étions, fonçant à vive allure, sur une route en plein désert dans un taxi jaune, fenêtres grandes ouvertes en compagnie de Abbas, notre taxi driver. Le vent cinglait nos visages, le soleil brûlait les yeux, au loin des tourbillons levaient des nuages de poussières, nous étions vivants, en route pour Ispahan, le paradis attendrait encore un peu !

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