Sri Lanka : Une histoire tamoule

Le conflit entre l’armée nationale Cinghalaise et les Tigres tamouls du nord du Sri Lanka dura presque trente ans, jusqu’en 2009. Les combats laissèrent Jaffna et sa région exangues, car comme dans toute guerre, il ne fait pas bon être du côté des perdants. Les Tigres Tamouls furent décimés.

Sur le fort hollandais, nous croisons un jeune homme au destin extraordinaire. A nos yeux tout au moins.

On lui laissa, à 16 ans, le choix de s’engager chez les combattants Tamouls ou alors de mourir immédiatement. Caché dans la forêt, il réussira, avec l’appui de sa famille, à passer illégalement dans la zone démilitarisée tenue par les forces cinghalaises boudhistes puis à franchir ensuire la frontière du pays. Une longue marche à travers la géographie tourmentée du monde débutera pour ce gamin qui n’avait rien demandé d’autres que pêcher dans les eaux paisibles de Jaffna.

Réfugié politique en France il y a dix ans, il parle désormais couramment français, est diplômé post bac, continue sa vie ailleurs, loin.

De retour aujourd’hui au Sri Lanka pour le mariage de sa sœur, nous croisons son large sourire sur les remparts face à la mer. Elle, demande à nous photographier avec sa famille. Lui, nous invitera à venir loger et dîner le soir.

Comme pour nous, cette partie du territoire lui a été interdite jusqu’à récemment. Aucun étranger n’ayant alors le droit de pénétrer à Jaffna avant 2015.

Aujourd’hui, la ville tend à se développer, mais les structures touristiques inexistantes rendent les touristes tout autant inexistants dans cette partie du monde. Et ce qui nous arrange parfaitement aiderait peut-être à l’essor de la mal aimée du Sri Lanka.

Parallèlement, on continue à déminer la région, on masque les traces de balles sur les façades des maisons. Les militaires restent présents sur les routes. Dans la ville, les carrefours sont surveillés par des hommes, le fusil mitrailleur en main. Comme si la crainte d’un retour des Tigres restait dans les têtes.

Et malgré cela, la vie est bien présente dans la ville, bruyante, chahuteuse. On évolue au rythme des cérémoniaux des temples hindouistes et du crépitement du riz frémissant dans les woks. On se lève à l’heure du soleil. Partout et dès six heures du matin, les cloches, les chants résonnent dans la rue. Les vaches traversent le bitume hors des passages piétons. Il y a quelque chose inspiré peut-être par l’Inde plus que par le Sri Lanka dans cette cité.

Des vélos nous ont porté sur les îles de l’archipel de Jaffna. Les pêcheurs, dans l’eau jusqu’au torse, installent les filets à l’aide de pieux plantés dans la vase. Au marché du village, les paysans vendent le fruit de leur travail en commentant sans doute les dernières affaires importantes.

Nous rentrons au hasard dans une échoppe, pièce sombre, une espèce d’agitation paisible y règne. On nous soulève les couvercles des gamelles pour choisir ce que l’on souhaite comme accompagnement avec notre plat de riz. Communication du sourire et des expressions du visage pour compenser avantageusement celle de la parole. Aller à l’essentiel, c’est tout.

Nous ne voulons rien de plus.

Plus tard nous rejoignons, toujours à bicyclettes, l’extrémité de l’île. De petites embarcations de pêches, un sable blanc surplombé par les cocotiers, les palmiers, les bananiers. Une maison abandonnée se tient encore dressée, balafrée de tirs de rafales. L’histoire se lit sur les murs.

Tout au bout de la route sur la jetée, en sueur et brûlés par le soleil après trop de kilomètres à découvert, nous savourons le silence et le sentiment extraordinaire de sérénité que nous offrent le paysage de Jaffna, aujourd’hui ville apaisée.

Au bout, c’est la mer.


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