Bosnie-Herzégovine : Nos routes nocturnes (histoire sans image)

Nos routes nocturnes quittent la gare routière de la banlieue est de Sarajevo à la nuit tombée. Elle mettent peu de temps avant de rejoindre les montagnes et les routes en lacets. Les routes étroites qui supportent mal les croisements, qui font hurler le frein moteur dans les descentes et font remonter le cœur des passagers dans les virages. Les mêmes passagers qui se demandent s’il était vraiment judicieux d’acheter un litre de lait fermenté comme provision de voyage.

Nos routes nocturnes ne dorment pas mêmes si elles aimeraient bien. Elles sont alors peuplées de souvenirs superbes, d’images en cinémascope défilant en pagaille sous les paupières. Elles fourmillent de projets farfelus qu’il faudra bien réaliser, d’avenir qui s’ils ne chantent pas tous les jours sont tout de même l’avenir. Nos routes nocturnes sont peuplées de rêveurs et d’anarchistes qui ne croient qu’en la vie ou rien !

Nos routes nocturnes ne sont pas aveugles. Elles devinent les arbres qui l’effleurent, les précipices qui affleurent, les tunnels de pierre qui font baisser les têtes. Elles traversent en silence des villes endormies et comptent les fenêtres éclairées pour tromper parfois l’ennui. Ce que la route ne peut voir, elle l’imagine et ses paysages sous la lune deviennent alors féeries dantesques.

Nos routes nocturnes sont un repli au cœur du monde. Une pause dans la nuit au creux d’un autocar Mercedes-Benz en compagnie de quelques voyageurs de fortune serbes, croates, bosniens tout droit sortis d’un film de Kusturica. La vie est un miracle !

Lorsque le jour se lèvera, nos routes nocturnes rendront les armes. Éreintées d’avoir trop roulé, trop tourné, trop freiné, d’avoir trop rêvé d’autoroutes rectilignes, elles se poseront dans la gare routière de Podgorica au Monténégro.

Les passagers, pas très beau à voir, récupéreront alors leurs sacs sur le dos et se dirigeront les yeux encore clos, la démarche encore un peu boiteuse vers une journée qui commence. Sous les paupières mi-closes, restera alors sans doute pour longtemps encore le souvenir des fameuses routes nocturnes qui traversaient sans faillir les Balkans.

Le soleil tapait déjà fort, on avait un peu mal à la tête, le dos courbait sous le poids des sacs. Qu’importe puisque nous étions en route !


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