
La veille de notre départ, nous nous apprêtions pourtant à compter cent clochers, sillonner le quartier juif et convoquer Kafka sur le pont Charles de la cité Tchèque de Prague. Tout était prêt pour la vie de Bohême et les lumières de la cité de l’Est.
Et puis nos destinées ont emprunté un autre chemin. Au dernier instant notre boussole s’affolait et indiquait alors le Sud.

Le bleu de la Mancha accompagnerait donc notre voyage. Et c’est ainsi que Don Quichotte devint notre guide durant ces derniers jours sur ses terres.

Du Nord au Sud, nous avons suivi sa trace et emprunté tous les trains au départ d’Atocha ou de Chamartin, pour battre le pavé de Tolède, longer les arcades de l’aqueduc de Ségovie, se perdre dans les plaines de Castille jusqu’à buter sur les crêtes enneigées des montagnes de la Mancha. Toutes les plaines d’Espagne mènent en Patagonie, c’était désormais certain.




L’imprenable Alcazar perché sur un éperon rocheux et la cathédrale de Ségovie, drapée de dentelle gothique. Le cloître du monastère de St Jean des rois, les piliers épurés de la synagogue Santa Maria la Blanca, et le Tage, coulant encore paisiblement sous les murailles de Tolède avant de connaître plus tard l’Atlantique lisboete.




Madrid enfin, Madrid évidemment.

Nous avons parcouru toutes les grandes artères pour relier toutes les places de la ville. Nous avons couru toutes les ruelles qui mènent au palais royal, au musée du Prado, à la Plaza Mayor, au palais de Cybele.

Nous avons connu toutes les émotions en compagnie des œuvres hypnotiques des toiles noires de Goya, de l’humour coloré de El Bosco, des heureuses scènes champêtres et de l’énigmatique tableau des Ménines de Velasquez, des toiles christiques presque fluorescentes de El Greco au musée du Prado.




Et puis l’incontournable Guernica du musée de la reine Sofia. Incontournable parce que Picasso et surtout par la portée universelle de cette œuvre majeure. Une émotion en noir et blanc sous un ciel monochome éclatant. Bleu madrilène.


Car si Don Quichotte fût tout au long de cette semaine, celui qui, chaque matin clamait aux aurores : « Vite, debout, il faut se mettre en selle et partir en quête d’aventures ! », un ciel limpide sans l’ombre d’un accroc fût l’autre compagnon béni de notre route.
Bleu madrilène, voilà notre patrie.


Et à bien y réfléchir, tout en remontant Gran Via sous un soleil d’hiver éclatant, nous pensions que décidément, nous n’en n’avions pas fini avec tous les moulins à vent du monde. Nous étions bien décidés à ne pas ranger tout de suite nos sacs et continuerions encore un peu à vivre de curiosité et de beauté.


Fou qui, comme Don Quichotte, a fait un beau voyage
Et conquis cent moulins et mille chimères,
Rentrera chez lui épuisé, mais certainement pas encore assez sage
Pour au retour, accepter de ranger armes et gibecières.


Voilà, c’est dit !
« Garde toujours dans ta main la main de l’enfant que tu as été. » Miguel de Cervantes



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